J.J. Brunner †
L'œuvre de Jean-Baptiste Heinis présente de multiples intérêts pour qui veut bien se donner la peine d'en lire attentivement au moins de larges extraits. Selon sa propre personnalité, chaque lectrice, chaque lecteur s'attachera à y découvrir des indices historiques, ethnologiques, linguistiques, psychologiques, philosophiques, religieux, voire théologiques ou d'autres encore.
En général et si l'on excepte le regard des dialectologues et autres linguistes avertis, ce type d'étude ou de recherche s'attache davantage au contenu qu'au contenant, à ce qui est exprimé qu'à la manière dont c'est écrit. Bien sûr, dira-t-on, Heinis a beaucoup écrit en vers, mais c'était sans doute courant de son temps, donc banal et nullement porteur de signification. Bref, la versification est souvent considérée comme une technique parmi d'autres, une sorte d'épiphénomène décoratif. Voire.
C'est ainsi que beaucoup de gens jugent d'un art qu'ils seraient bien en peine de pratiquer. On peut même rapprocher cette attitude de celle qui consiste à mépriser l'alsacien, faute de le maîtriser. Or la moindre des choses nous paraît être d'observer l'art même du poète et de chercher à en tirer des enseignements.
Nous nous pencherons d'abord sur la langue de Heinis, plus précisément sur ses langues, au pluriel. Ensuite seulement, nous aborderons la versification proprement dite, à savoir les mètres, strophes et rimes. Enfin, nous tenterons de tirer quelques modestes conclusions de leur mise en œuvre par cet homme de lettres autant que d'église.
L'œuvre poétique de Heinis est trilingue, se partageant entre l'allemand, l'alsacien et le français. Certes, la part du français peut paraître négligeable, puisqu'elle ne concerne qu'un seul poème entier. Mais un certain nombre d'expressions françaises isolées glissées ici et là dans des strophes dialectales nous prouvent au moins que l'auteur maîtrisait bien l'actuelle langue nationale d'Alsace.
1. L'allemand
à ne considérer que le nombre de poèmes concernés - presque les deux tiers -, l'allemand standard est largement majoritaire. Quoi de plus normal, puisque c'est la langue écrite correspondant naturellement à l'alémanique ? D'autant plus que nous nous trouvons au 19ème siècle et que, en Alsace, le français n'entrera réellement dans l'usage quotidien qu'au milieu du 20ème siècle, après la Seconde Guerre mondiale (1).
Pourtant, le curé Heinis écrit volontiers en alsacien, langue maternelle de ses ouailles. Alors pourquoi tant d'allemand ? En fait, s'il se sert de cette langue, c'est pour célébrer d'importantes fêtes religieuses et, surtout, pour s'adresser à Dieu et à ses saints, dont il doit supposer qu'ils ne savent ou n'aiment pas l'alsacien. Consciemment ou non, il établit ainsi une hiérarchie entre la langue de la Bible et celle de tous les jours. Déjà !
2. L'alsacien
Il fait pourtant une place importante à son dialecte, ou plutôt à celui de ses administrés. Car Heinis est tellement soucieux d'aller à la rencontre de son prochain qu'il s'en comporte en véritable caméléon linguistique. Lui-même originaire de Koestlach, en domaine nettement haut-alémanique, il écrit volontiers dans sa langue maternelle, mais n'hésite pas, à l'occasion, à adopter, du moins en partie, des caractéristiques du bas-alémanique, manifestement pour faire plaisir aux personnes à qui il s'adresse.
De quoi s'agit-il ? Si les spécialistes veulent bien nous pardonner de simplifier le propos, nous dirons que deux spécificités caractérisent le haut-alémanique :
La limite du haut-alémanique, ou "isoglosse", part de Pfetterhouse, au sud-ouest, passe par Bisel, Grenzingen, Franken, Magstatt-le-Haut et Michelbach-le-Haut pour rejoindre le Rhin à Niffer. Mais les choses ne sont pas aussi simples, puisque, tout comme Obermoschwiller, Schlierbach - souvent nommé par Heinis - participe des deux, ayant conservé à la fois le /k-/ initial et le /-b-/ intervocalique. Même certaines pièces réputées avoir été écrites en dialecte d'Altkirch gardent ce /-b-/ tellement caractéristique du haut Sundgau (obe [en haut] et lobe [louer] dans Der Altkircher G'sangverein) (4).
Signalons enfin, pour être complet, ce poème satirique où Heinis s'exerce dans ce mélange d'alémanique et de francique qu'est le strasbourgeois (Ä Diàlekt vor de Wahle…).
3. Le lexique et les images
Que ce soit en allemand standard ou en alsacien, Heinis conserve le souci d'être compris des plus humbles. Même quand il s'adresse à l'un de ses confrères ou à ses nièces religieuses, il emploie systématiquement des mots concrets, souvent tirés du registre alimentaire, qu'il affectionne tout particulièrement. Même ses métaphores et comparaisons en sont souvent imprégnées. Nous n'en dirons pas davantage à ce sujet, renvoyant les lecteurs aux poèmes eux-mêmes.
Qu'est-ce qui a pu pousser Jean-Baptiste Heinis à écrire aussi souvent en vers, au point d'en produire près de quatorze mille ? Avait-il donc du temps à perdre pour le passer à faire la chasse aux rimes ? Non, il devait assurément y trouver un autre intérêt. Et la lecture de son œuvre nous porte à croire qu'il s'agissait d'abord, pour lui, de donner une certaine solennité à ses propos. Solennité légèrement obséquieuse, voire feinte et facétieuse, dans certaines pièces de circonstances. Mais solennité beaucoup plus sérieuse et beaucoup plus profonde dans ses poèmes à caractère didactique et oratoire.
Mais alors, le vers est-il, pour lui, contrainte ou moyen d'expression ? En effet, dès le 19ème siècle – époque du curé Heinis – certains, y compris parmi les poètes, trouvèrent que la versification était une contrainte trop importante pour quiconque voulait s'exprimer. Et c'est ainsi que l'on en arriva aux "vers libres", bouts de prose placés les uns en dessous des autres pour donner l'illusion optique de la poésie. Or Heinis nous montre que sa poésie à lui, la vraie, lui apporte un moyen d'expression complémentaire, comme peuvent l'être l'attitude, les gestes et l'intonation d'un locuteur. Pour parler simplement, disons que les vers créent un cadre rythmique, une ambiance qui sous-tend son propos et lui donne du relief.
1. Le mètre germanique
Ce que les personnes ayant eu une scolarité francophone ne savent peut-être pas, c'est que, tout comme la versification classique grecque, celle commune à l'allemand, à l'alsacien et aux langues germaniques en général ne se contente pas de compter les syllabes, mais se fonde sur des "pieds" pluri-syllabiques. Chacun de ces pieds comporte une syllabe tonique et une ou deux syllabes atones. Si la syllabe tonique est en début de pied, donc aussi en début de vers, on est en présence d'un rythme dit "descendant". Si la syllabe tonique est en fin de pied, on a un rythme ascendant. Les premiers, trochée [ / -] et dactyle [ / - - ], créent souvent une tonalité un peu statique, voire pompeuse et chargée d'émotion. Les seconds, iambe [ - /] et anapeste [ - - / ], sont nettement plus dynamiques et s'associent très bien au récit. à cette tonalité générale, la longueur du vers vient apporter un surcroît d'information rythmique. Qui dit longueur, dit nombre de pieds. Selon qu'il en aura deux, trois, quatre ou cinq, un vers sera un di-, tri-, tétra- ou pentamètre. Or il est évident qu'un vers court, dimètre ou trimètre, évoque davantage la légèreté qu'un vers long, tétramètre ou pentamètre.
2. La rime
Grâce à son système métrique fortement rythmé, la versification germanique se passe volontiers de la rime. Pourtant, nombreux sont les poètes qui en usent au moins çà et là. Heinis en use partout. Pour ce qui est de la disposition, nous avons, comme en français, des rimes plates [ a – a – b – b – c – c …], croisées [ a – b – a – b ] et embrassées [ a – b – b – a ]. Tandis que les premières se contentent de bien délimiter les vers, les deux autres contribuent à identifier les strophes, en particulier les quatrains et leurs multiples. On se préoccupe moins qu'en français de savoir si une rime est riche, suffisante ou pauvre. Il arrive même, certes très exceptionnellement, que l'auteur se contente d'une simple assonance (voyelle identique, mais entourage consonantique différent), procédé jadis critiqué, mais devenu courant dans la chanson contemporaine. En revanche, que ce soit en allemand ou en alsacien, la rime dite "souabe" est parfaitement licite : elle se fonde sur une prononciation très proche – à la position des lèvres près, arrondies ou non, - entre / i / et / ü / d'une part, / e / et / ö / de l'autre. Pour l'alsacien, il convient d'y ajouter celle qui associe une occlusive forte à la faible correspondante - / p / et / b /, / t / et / d /, / k / et / g / - et que nous appellerons "rimes alémaniques".
Contrairement à des centaines de rimailleurs, souvent sympathiques mais peu au courant ni respectueux de la norme, l'abbé Heinis connaissait parfaitement les règles de la versification et s'y conformait rigoureusement. Bien plus, il savait en tirer le meilleur parti, jouant en véritable virtuose des innombrables possibilités qu'elle offre.
1.
Un maître du mètre
Entre les deux rythmes, descendant et ascendant, Heinis n'hésite pas un instant : il choisit le second, plus adapté à sa personnalité vive et dynamique, à son optimisme indéfectible. Une seule pièce de son œuvre est en vers trochaïques, Die Hammerschmiede, superbe poème descriptif et didactique (5). On ne peut que regretter qu'il n'ait pas persévéré dans cette voie, où il eût probablement excellé. Mais, pudique et modeste, il répugnait sans doute à donner dans l'affectif et le pompeux. Non, son rythme à lui est ascendant, et son mètre préféré est le tétramètre iambique. Il est même rare, chez lui, que deux syllabes atones se suivent : on y rencontre peu d'anapestes. Toute son œuvre résonne de l'alternance binaire d'un temps faible suivi d'un temps fort. Il n'a pas non plus souvent recours au pentamètre, qui lui sert quelquefois à donner, à un poème, une certaine lenteur, une démarche réfléchie, en raison de son contenu sérieux. Il ne touche jamais au hexamètre, pourtant beaucoup utilisé par d'autres, sans doute parce qu'il le trouve trop pesant. En revanche, il lui arrive fréquemment d'alterner le tétramètre avec le trimètre, voire ce dernier avec le dimètre. Ce sont alors des poèmes pleins de vie et de spontanéité, enthousiastes ou enjoués en diable (6). Quant à la strophe, il la manie avec tout autant de bonheur. Coutumier du quatrain pour tout ce qui ressemble de près ou de loin à une chanson ou à un cantique, il aime à couler ses récits dans des kyrielles de huitains, plus rarement de sixains ou de dizains. Pour certaines de ses pièces, il ne s'embarrasse pas d'une strophe fixe, mais fait se succéder des séquences de longueur variable.
2.
La rime et la raison
Comme pour le mètre, Heinis use de la rime de façon le plus souvent licite, mais ne se laisse pas, pour autant, enfermer dans un carcan qui serait trop rigide pour qu'il pût exprimer la "raison", id est la signification qu'il veut donner à ses vers. Car c'est souvent à ce cruel dilemme qu'est confronté tout poète : rester fidèle à sa pensée ou céder au charme d'une rime séduisante, qui vous emporte loin du sentier initialement tracé. Parfois, au contraire, il n'y a pas moyen de trouver une rime adaptée à la signification. On recourt alors à une de ces chevilles réputées faciles, ces exclamations ou propositions incises vides de sens et qui n'ont d'autre mérite que d'apporter les pieds et la sonorité finale nécessaires. Même Victor Hugo s'y est lassé aller (7). Heinis ne va jamais aussi loin que son célèbre contemporain. Ses rimes sont plates pour la plupart ; mais il aime bien aussi les rimes croisées, que ce soit pour des quatrains ou pour la première moitié des huitains, la seconde moitié étant alors pourvue de rimes plates ou, plus rarement, d'autres rimes croisées. à notre grande surprise, nous n'avons rencontré qu'une seule occurrence de rimes embrassées. Par ailleurs, Heinis ne se sent nullement tenu de faire régulièrement alterner rimes masculines et féminines. Il a, du reste, une nette préférence pour les rimes purement masculines ; et même dans les poèmes où les deux figurent, les féminines sont nettement les moins nombreuses, voire uniquement présentes à l'état de "traces". Il est vrai qu'une rime féminine allonge le vers et en adoucit la fin ; or Heinis aime bien les fins de vers à consonance énergique.
3.
Une variété infinie
Lorsque l'on considère toute la palette des moyens qu'offre la versification, rythme descendant ou ascendant, pieds à deux ou trois syllabes, mètres plus ou moins longs, strophes de structure et de longueur variable, rimes enfin différentes suivant leur position et la manière dont elles se terminent, on devine que les combinaisons de tous ces paramètres permettent de varier la forme des poèmes à l'infini. Et de fait, Heinis ne s'en est pas privé. Quand on parcourt son œuvre, on a beau chercher deux poèmes formellement identiques, on trouvera toujours une différence portant au moins sur l'une des variables évoquées ci-dessus. Tout se passe comme si Heinis avait eu la volonté d'explorer toutes les possibilités d'un art poétique qu'il connaissait à fond.
Nous espérons avoir montré que le poète savait parfaitement marier le contenu de ses poèmes à la forme dans laquelle il le coulait. Jamais, en effet, nous n'avons rencontré de contradiction entre le mètre choisi et le propos tenu. Mais ce qui nous frappe le plus, c'est que, en dépit de ses préférences marquées pour le rythme ascendant, pour le tétramètre iambique, pour le quatrain et le huitain, pour les rimes masculines plates, il s'est évertué à explorer toutes les formes possibles, sauf peut-être certaines, plus classiques, comme l'ode, le rondeau, le triolet ou le sonnet, qui devaient lui paraître trop mièvres et trop profanes ; ou tout simplement trop courts, à lui qui était de nature tellement prolixe. Ce faisant, il s'est manifestement bien amusé à jouer avec la matière qu'il façonnait, la langue, et avec les règles de son art, la métrique. Et comme ses poèmes sont, en outre, très souvent marqués au sceau d'un humour exubérant, voire féroce, nous croyons que, n'étant pas un saint triste, il n'était certainement pas un triste saint. Bien au contraire, Jean-Baptiste Heinis était homme de Dieu, mais aussi homme tout court. Toute son œuvre est imprégnée de ces deux aspects complémentaires de sa personnalité, le sens du religieux et celui de l'humain.
Jean-Jacques Brunner
Mulhouse, septembre 2003
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(1) à l'époque, Jean Fourquet, l'un des plus éminents linguistes de notre temps, écrivait "Là où des personnes qui ne se connaissent pas sont réunies, c'est en dialecte que se font les premières amorces de conversation, non en français, ce qui risquerait d'exclure trop de personnes présentes, encore moins en allemand, psychologiquement impossible" ("La situation linguistique" in Le Semeur, numéro spécial L'Alsace, L. Parazines imprimeur, Paris 1948, p. 22).
(2)
Cf. Ernest BEYER et Raymond MATZEN, Atlas linguistique et ethnographique de l'Alsace, CNRS, Paris 1969, cartes n° 4 et 198.
(3)
Cf. ibidem, cartes n° 7 et 26.
(4)
Près d'un siècle s'est écoulé entre l'activité littéraire de Heinis et les enquêtes dialectales menées par le professeur Ernest BEYER et son équipe de l'Institut de Dialectologie de Strasbourg en vue de l' Atlas linguistique et ethnographique de l'Alsace. Il est possible, voire probable, que la prononciation ait évolué entre temps, notamment à Altkirch, de /-b-/ vers /-v-/.
(5) La beauté de ce poème doit beaucoup à la puissance évocatrice de la métrique, une espèce d'harmonie imitative (Lautmalerei), comme en musique, dans certains poèmes symphoniques. Il nous rappelle aussi un poème de Heinrich Heine, Die schlesischen Weber, où la métrique fait résonner, en arrière-plan, le claquement régulier des métiers à tisser.
(6) Rappelons ici que le trimètre iambique, vers plein d'allant, fut utilisé pour la partie parlée des tragédies grecques de l'Antiquité ; on le retrouve dans le théâtre latin sous le nom de hexamètre iambique ou sénaire (appellation due à Rabelais).
(7) Dans Boos endormi de la Légende des Siècles, un poème admirable par ailleurs: Tout reposait dans Ur et dans Jérimadeth ; [J'ai rime à (deman)dait !]. Invention pure ou déformation d'un toponyme local, le procédé reste cavalier.
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J.J. Brunner †
Das Werk von Johann Baptist Heinis bietet zahlreiche Interessen für den, der sich die Mühe machen will, aufmerksam mindestens bedeutende Auszüge zu lesen Je nach seiner Persönlichkeit wird jeder Leser oder Leserin versuchen, historische, ethnologische, linguistische, psychologische, philosophische, religiöse, sogar theologische oder andere Anhaltspunkte finden.
Gewöhnlich bezieht sich eine solche Studie oder Forschung eher auf den Inhalt als auf die Form, auf das Ausgedrückte eher als auf die Art und Weise in der es verfasst wurde, ausgenommen der Blick des Dialektologen oder Sprachwissenschaftlers. Natürlich, wird man sagen, Heinis hat viel in Versen gedichtet aber es war wahrscheinlich üblich zu seiner Zeit, also gewöhnlich und unbedeutend. Kurz, die Metrik wird oft als eine Technik unter anderen angesehen, eine Art dekorative Ausschmückung.
So beurteilen viele Leute eine Kunst, die sie selbst nicht ausüben könnten. Diese Stellungnahme kann mit der Geringschätzung des elsässischen Dialektes verglichen werden, weil sie ihn nicht beherrschen. Das Geringste wäre jedoch, die Kunst des Dichters zu betrachten, und daraus eine Lehre zu ziehen.
Wir werden uns zuerst mit der Sprache von Heinis beschäftigen, besser gesagt mit seinen Sprachen, im Plural. Dann erst kümmern wir uns um Metrik, Verse, Strophen, und Reime. Schließlich werden wir versuchen einige bescheidene Schlüsse zu ziehen und sehen, wie dieser Schriftsteller und Priester sie in seinen Werk einsetzte.
Das dichterische Werk von Heinis ist dreisprachig: Deutsch, Elsässisch und Französisch. Gewiss, der französische Teil mag gering erscheinen, weil nur ein einziges Gedicht auf Französisch ist. Aber eine gewisse Zahl von französischen Ausdrücken, die sich allein hier und dort in die Strophen im Dialekt eingeschlichen haben, zeugen davon, dass der Autor die heutige Nationalsprache des Elsass gut beherrschte.
1. Deutsch
Wenn man nur die Zahl der betroffenen Gedichte betrachtet - fast zwei Drittel – so stellen die Gedichte auf Hochdeutsch bei weitem die Mehrheit dar. Das ist ganz normal, da es die schriftliche Sprache ist, die dem alemannischen Dialekt entspricht, umso mehr weil wir im 19. Jahrhundert sind und das Französisch im Elsass erst in der Mitte des 20. Jahrhunderts, nach dem zweiten Weltkrieg als Volkssprache gebraucht wird. (1)
Dennoch schreibt Pfarrer Heinis gern Elsässisch, in der Muttersprache seiner Pfarrkinder. Warum also so viel Deutsch? In der Tat, wenn er diese Sprache benutzt, geht es darum religiöse Feste zu feiern und besonders sich an Gott und an die Heiligen zu wenden; er vermutet, dass sie kein Elsässisch können oder mögen. Bewusst oder nicht, er stellt so eine Hierarchie her zwischen der Sprache der Bibel und der Alltagssprache.
2. Elsäßisch
Er gibt doch seinem Dialekt einen wichtigen Platz oder besser gesagt, dem Dialekt seiner Pfarrkinder. Denn Heinis ist so besorgt dem Nächsten entgegenzukommen, dass er sich wie ein sprachliches Chamäleon benimmt. Er selbst aus Koestlach gebürtig, aus einem deutlich hochalemannischen Gebiet, schreibt gern in seiner Muttersprache, aber er zögert nicht von Zeit zu Zeit, teilweise einige Besonderheiten des Niederalemannischen anzunehmen, offensichtlich um den Leuten, die er anspricht, Freude zu machen.
Worum geht es? Wenn die Spezialisten uns bitte verzeihen wollen, dass wir die Sache vereinfachen, so würden wir sagen, dass zwei Kennzeichen den Hochalemannischen Dialekt charakterisieren.
1. der verengende Konsonant „ch“ /x-/ (aus der 2. Veränderung der Konsonanten
stammend, schon vor dem 8. Jahrhundert) im Gegensatz zum
Verschlusskonsonant „k“ /k-/ immer noch üblich im Niederalemannische
(Ching / Kind), - (chlàï / klàï ) klein. (2)
2. da der Schlusskonsonant/ b / erhalten ist zwischen zwei Vokalen, während
das Niederalemannische, unter einem nördlichen Einfluss " entspannte"
in / - v -/ [làbe / làwe – leben] - [ blibe / bliwe - bleiben] (3)
Die Sprachgrenze des Hochalemannischen (Isoglosse) geht von Pfetterhouse im Südwesten aus, zieht durch Bisel, Grenzingen, Franken, Obermagstatt und Hochmichelbach bis zum Rhein in Niffer. Aber die Dinge sind nicht so einfach, da Obermorschwiller und Schlierbach, (oft von Heinis genannt), zu beiden Seiten gehören. Sie haben das / k- / am Anfang und das / - b /zwischen zwei Vokalen erhalten. Einige Stücke, bekannt dadurch, dass sie im Dialekt von Altkirch geschrieben sind, behalten dieses / - b- / so typisch für den hohen Sundgau / obe / und / lobe / im „Altkircher G’sangverein. (4)
Der Vollständigkeit halber, weisen wir auf jenes satirische Gedicht hin, in welchem Heinis versucht im Straßburger Dialekt, (einem Gemisch von Alemannisch und Fränkisch ) zu schreiben. (Ä Diàlekt vor der Wahle.....)
3. Wortschatz und Bilder
Sei es im Standarddeutsch oder im Elsässischen, immer bleibt Heinis besorgt von den Einfachsten verstanden zu werden. Selbst wenn er sich an einen Kollegen wendet oder an seine Nichten, Ordensschwestern, benutzt er systematisch konkrete Wörter, oft aus dem Nahrungsmittelbereich, den er besonders liebt. Sogar seine Metaphern oder Vergleiche sind oft damit angefüllt. Wir werden nicht mehr davon reden, der Leser soll die Gedichte selber lesen.
Was hat Johann Baptist Heinis getrieben, so oft in Versen zu schreiben, so dass er 14 000 Versen komponierte. Hatte er zuviel Zeit, um sie damit zu verbringen Reimen nachzujagen? Nein, er fand bestimmt einen anderen Sinn darin. Die Lektüre seines Werkes lässt uns daran denken, dass er zuerst seinen Worten eine gewisse Feierlichkeit geben wollte. Leicht übertriebene, erkünstelte und scherzhafte Feierlichkeit in einigen Gelegenheitsstücken. Aber viel ernstere und tiefere Feierlichkeit in seinen lehrhaften Gedichten.
Aber ist der Vers für ihn letztlich Zwang oder Ausdrucksmittel? Schon im 19. Jahrhundert, -Zeit des Pfarrers Heinis, - fanden einige, auch viele Dichter, dass die Metrik einen zu großen Zwang darstellte für den, der sich ausdrücken wollte. Und so kam man zu den freien Versen, Stückchen von Prosa, die sich unter die gereimten fanden, um den optischen Eindruck eines Gedichtes zu wecken. Heinis zeigt uns, dass seine eigene Dichtung, die wahre, ihm eine zusätzliche Ausdrucksmöglichkeit bietet, wie es die Haltung, die Gebärden, die Betonung dem Redner sein können. Sagen wir einfach, dass die Metrik einen rhythmischen Rahmen schafft, eine Stimmung, die seine Worte unterstützt und hervorhebt.
1. Das germanische Versmaß
Die Leute, die eine französische Schulbildung bekommen haben, wissen vielleicht nicht, dass wie die klassische griechische Metrik, die Metrik im Deutschen , Elsässischen und den germanischen Sprachen sich nicht zufrieden gibt die Silben abzuzählen, sondern sich auf mehrsilbige Schläge /„Füße“ gründet. Jeder Fuß enthält eine betonte Silbe und eine oder zwei unbetonte. Wenn die betonte Silbe am Anfang des Fußes, also auch am Anfang des Verses ist, so ist der Rhythmus „absteigend“ Wenn die betonte Silbe am Ende des Fußes ist, dann ist der Rhythmus „aufsteigend“ Die Ersten, Trochäus [ / - ] und Daktylus, [ / - - ] geben einen oft statischen Ton, eher geschwollen , und beladen mit Gemütsbewegung. Die Zweiten, Jambus [- /] und Anapäst [- - /] sind viel dynamischer und gesellen sich sehr gut zu dem Bericht. Die Länge des Verses bringt einen Zuwachs an rhythmischen Informationen. Länge, bedeutet Anzahl der Füße. Wenn Schläge zwei, drei, vier oder fünf Füße haben, wird er zwei- drei-, vier-, fünffüßig genannt. Es ist einsichtig, dass ein kurzer Vers, zwei- oder dreifüßig eher Leichtigkeit hervorruft als ein langer vierfüßiger oder fünffüßiger.
2. Der Reim
Dank seiner stark rhythmisch gegliederten Metrik verzichtet der germanische Vers problemlos auf den Reim. Und doch gibt es zahlreiche Dichter, die ihn mindestens ab und zu einbringen. Heinis setzt ihn überall ein. Was die Anordnung angeht, so gibt es Paarreime, [a – a – b – b – c – c...] Kreuzreime, [ a – b – a – b ] und umschließende Reime [ a – b – b – a ]. Während Erste lediglich die Verse abschließen, so helfen die zwei anderen die Strophen zu kennzeichnen, besonders die Vierzeiler. Man kümmert sich weniger als im Französischen darum, zu wissen, ob ein Reim männlich oder weiblich ist. Es kommt sogar vor, wenn auch nur ausnahmsweise, dass der Dichter sich zufrieden gibt mit einer bloßen Assonanz, (identische Vokale, aber eingerahmt von anderen Konsonanten.) Ein Vorgang der früher kritisiert wurde, aber üblich geworden im zeitgenössischen Lied. Auf Deutsch wie auf Elsässisch ist dagegen der „Schwäbische Reim vollkommen erlaubt. Er begründet sich auf einer sehr ähnlichen Aussprache – dieselbe Stellung der Lippen, abgerundet oder nicht, zwischen / i / und / ü / einerseits, /e / und / ö / anderseits.
Für das Elsässische muss man noch den „ alemannischen Reim“ hinzufügen, der einen starken Verschlusskonsonanten mit einem Schwachen verbindet. / p / und / b / - / t / und / d / - / k / und /g /.
Im Gegensatz zu Hunderten oft sehr sympathischen Reimschmieden, die ohne Kenntnisse der Sache und nicht sehr respektvoll mit der Norm umgingen, kannte Pfarrer Heinis vollkommen die Regeln der Metrik und richtete sich streng danach. Mehr noch er zog das Beste daraus und spielte mit allen Möglichkeiten, die sie anbietet, wie ein echter Virtuose.
1. Ein Meister des Verses
Zwischen beiden Rhythmen, absteigend oder aufsteigend, zögert Heinis keinen Augenblick. Er wählt den zweiten, denn er entspricht besser seiner lebhaften, dynamischen Persönlichkeit, und seinem unvergänglichen Optimismus. Nur ein einziges Werk ist in Trochäen gehalten, “Die Hammerschmiede“, ein wunderbares Gedicht, das beschreibt und belehrt. (5)
Man kann nur bedauern, dass er nicht auf diesem Weg blieb, auf dem er sicherlich brilliert hätte. Aber sittsam und bescheiden wie er war, scheute er sich zu gefühlvoll oder pompös auszudrücken. Nein, sein Rhythmus ist aufsteigend und sein Lieblingsvers ist der vierfüßige Jambus. Selbst zwei unbetonte, aufeinander folgende Silben sind selten bei ihm. Man findet wenige Anapäste. Sein ganzes Werk ertönt von dem abwechselnden Zweitakt, ein unbetonter Schlag gefolgt von einem betonten. Er greift nicht oft auf den fünffüßigen Vers zurück. Er hilft ihm manchmal einem Gedicht eine gewisse Langsamkeit, einen bedächtigen Gang zu verleihen, weil sein Inhalt ernsthaft ist. Er schreibt nicht in Hexametern, obwohl sie oft von anderen Dichtern benutzt wurden, wahrscheinlich weil er sie zu schwer findet. Stattdessen variiert er häufig Vierfüßer und Dreifüßer bzw. Dreifüßer und Zweifüßer. So entstehen lebhafte uns spontane, begeisterte oder diabolisch heitere Gedichte. (6) Mit den Strophen geht er ähnlich geschickt um. An den Vierzeiler gewöhnt, wenn es um Lieder oder Kirchengesänge geht, so lässt er gern seine Berichte in einer langen Litanei von Achtzeilern münden, seltener in Sechszeiler oder Zehnzeiler.
Für einige seiner Stücke lässt er sich nicht mit einem beständigen Strophemaß hemmen, sondern lässt unterschiedliche Strophenlänge aufeinander folgen.
2. Der Reim und der Sinn
Wie für den Vers braucht Heinis den Reim meistens, wie es sich gehört, aber er lässt sich nicht in eine zu starre Form zwingen, die ihm nicht erlauben würde, seinen „Sinn“ auszudrücken, das heißt die Bedeutung, die er seinen Versen geben will. Denn es kommt oft vor, dass der Dichter vor dieser schwierigen Alternative steht: seinem Gedanke treu bleiben,
oder sich verführen lassen von einem reizenden Reim, der einen weit weg von dem Weg führt, den man zuerst gehen wollte. Im Gegenteil manchmal, findet man keinen Reim, der dem Sinne entspricht. Man greift dann auf ein bekanntlich leichtes Flickwort zurück, wie diese Ausrufe, oder sinnlose eingeschobene Sätze, die nur dazu da sind, um die erforderlichen Füße und die Klangfülle des Schlusses zu garantieren. Sogar Victor Hugo hat so verfahren. (7) Heinis geht nie so weit wie sein berühmter Zeitgenosse. Er benutzt meistens Paarreime. Er liebt auch die Kreuzreime für seine Vierzeiler oder die erste Hälfte des Achtzeilers; die zweite Hälfte ist dann mit Paarreimen versehen oder seltener mit anderen Kreuzreimen. Wir waren sehr erstaunt nur ein einziges Mal umschließende Reime anzutreffen .Außerdem fühlt sich Heinis gar nicht verpflichtet, männliche und weibliche Reime regelmäßig abzuwechseln. Er hat übrigens eine deutliche Vorliebe für die männlichen Reime. Und sogar in den Gedichten, in denen beide zu finden sind, sind die weiblichen bei weitem nicht so zahlreich, man könnte sagen, sie sind nur als „Spuren“ da. Es ist wahr, dass ein weiblicher Reim den Vers verlängert und das Ende erleichtert. Aber Heinis mag einen kräftigen Wohlklang am Ende des Verses.
3. Eine unendliche Abwechslung
Wenn man die ganze Palette der Möglichkeiten, die die Metrik darbietet, betrachtet, aufsteigende und absteigende Rhythmen, Fuß mit zwei oder drei Silben, weniger langen Vers oder längeren Vers, Strophen von verschiedener Struktur und Länge, Reime, die verschieden sind, gemäß der Stellung und ihr Ende, dann errät man, dass die Zusammenstellungen all dieser Parameter es erlauben die Form der Gedichte unendlich zu ändern. Wahrlich Heinis hat es nicht entgehen lassen. Wenn man sein Werk durchliest, so kann man vergeblich zwei gleich geformte Gedichte suchen; man findet immer einen Unterschied, immer eine wie oben aufgezählte Veränderung. Alles ist, als ob Heinis alle Möglichkeiten der Dichtkunst, die er gründlich kannte, hätte erforschen wollen.
Wir hoffen, dass wir gezeigt haben, dass der Dichter den Inhalt seiner Gedichte vollkommen mit der Form, die er ihnen gab, zu vereinigen wusste. Nirgendwo haben wir eine Unvereinbarkeit zwischen dem gewählten Vers und der Rede gefunden. Aber was uns besonders auffällt, ist, dass er trotz seiner Vorliebe für den steigenden Rhythmus, für den vierfüßigen Jambus, für die männlichen Paarreime, sich angestrengt hat, alle möglichen Formen zu erforschen außer einigen klassischeren wie die Ode, das Ringelgedicht, das Triolett oder das Sonett. Sie schienen ihm wahrscheinlich zu gekünstelt oder zu weltlich gesinnt. Oder sie waren einfach zu kurz für ihn, der so weitschweifig war. So hat er sich offensichtlich gut amüsiert mit dem Stoff, den er gestaltete, der Sprache, und mit der Dichtkunst, und mit der Metrik. Da seine Gedichte oft sehr, fast schon grausam humorvoll sind, denken wir dass, da er kein trauriger Heiliger war, er auch kein unfreundlicher Heiliger war. Im Gegenteil, Johann Baptist Heinis war ein Mann Gottes, aber auch einfach ein Mensch. Mit diesen zwei komplementären Seiten seiner Persönlichkeit, dem Sinn des Religiösen und der menschlichen Natur ist sein ganzes Werk durchdrungen.
Jean-Jacques Brunner
Mulhouse, septembre 2003
(1) Zur Zeit schrieb Jean Fourquet, einer der vortrefflichsten Sprachwissenschaftler unserer Zeit:“Wenn zwei Personen , die sich nicht kennen, zusammenkommen und ins Gespräch geraten, sind die ersten Worte in der Mundart, nicht auf Französisch, denn zu viel anwesende Personen wären ausgeschlossen, und noch weniger auf Deutsch, psychologisch unmöglich.“ (“La situation linguistique“ in “Le semeur“numéro spécial, L’Alsace, L. Parazines imprimeur, Paris 1948, P. 22
(2) Cf. Ernest Beyer et Raymond Matzen, Atlas linguistique et ethnographique de l’Alsace, CNRS, Paris 1969, cartes n°4et 198
(3) CF. ibidem, cartes n° 7et 26
(4) Fast ein Jahrhundert ist vergangen zwischen der literarischen Leistung von Heinis und den mundartlichen Untersuchungen, die von Professor Ernest Beyer und seiner Gruppe vom mundartlichen Institut von Sraßburg geführt worden sind, um den “Atlas linguistique et ethnographiquede l’Alsace“ herzustellen. Es ist möglich, sogar wahrscheinlich, dass die Aussprache von / b / zu / v / geglitten ist, besonders in Altkirch.
(5) Die Schönheit dieses Gedichtes geht aus der Kraft der Metrik hervor, die ein Bild wachruft, eine Art Lautmalerei, wie in der Musik in einigen Symphonien. Es erinnert uns auch an das Gedicht von Heinrich Heine, “die Schlesischen Weber“, in welchem die Metrik das regelmäßige Schlagen der Webstühle hervorruft.
(6) Erinnern wir daran, dass der dreifüßige Jambus, der voll Schwung ist, in der griechischen Tragödie der Antike für den Teil, der gesprochen war, gebraucht wurde.
(7) In “Boos endormi“ aus der Légende des siècles , wunderbares Gedicht übrigens: Tout reposait dans Ur et dans Jerimadeth; [j’ai, reimt mit (deman)dait!]. Ist es eine reine Erfindung oder eine Formänderung eines Ortnamen? Der Vorgang bleibt ungezwungen.